"Les Rues"
Il était un grand champ au coeur de la campagne.
Pour un père et son fils, vrai Pays de Cocagne !
Car comme il était bon souvent s'y retrouver,
Pour goûter plein de joies et se les partager !
Quelques pieux, un grillage, en voici sa clôture.
Quelques planches clouées, légère couverture,
Cabanes et abri, on ne peut avoir mieux
Autant pour les outils que pour la pause un peu.
*
Chaque année au printemps, en retourner la terre
Pour lui donner les airs d'une vraie potagère.
Gardiens sur les côtés, de bien jolis fruitiers
Arborent fiers les lieux, surtout de grands pommiers.
*
A la belle saison, c'était tous les dimanches
Que la famille entière y retroussait ses manches :
Semer, sarcler, biner, de donner de sa sueur,
Qu'importait, tout cela n'était que pur bonheur !
Car au coeur de l'été les trop bonnes récoltes
Comblaient tout un chacun de biens de toutes sortes :
Légumes en tous genres mais aussi petits fruits.
" Pour les belles gelées, petits oiseaux Merci ! "
*
Si doux les souvenirs de ces ans qui passèrent
Tandis que des enfants plus petits arrivèrent.
Ils perturbaient un peu la sieste du pépé...
Ah vraiment, un bambin, c'est sans cesse agité !
*
Pourtant il en souriait : sa joie était profonde
Le principal étant de réunir son monde.
Le calme reviendra : les jeunes s'en iront
Nous quittant tous un jour pour " chacun sa maison ".
Lors, un jour, fatigué, au nouveau millénaire
Il partit pour l'ailleurs, la terre imaginaire.
Le fils abandonna le trop grand potager
Et fit des lieux un parc au charme bocager.
De forts jolis parterres, des fleurs ornementales,
Une allée de rosiers, des haies pour les dédales
Et encore, " Le chalet " il saura conforté
Pour de tout nouveaux cris. Jours heureux convoités...
Passés plusieurs printemps, le premier fils s'éveille.
Lorgnant sur le terrain de l'œil et de l'oreille,
Veut se l'approprier d'un tout petit avoir,
Dit pour se justifier : " Je le fais par devoir ! "
Avec sa mère, sa sœur, c'est donc trois vrais compères
Qui vont rouler le jeune et devant le notaire.
L'autre va se fâcher, montrer sa rébellion :
" Il est à moi ce coin ! Me battrait comme un lion ! "
La Mère ne l'entend : " A toi, non te le vendre !
Et puisque nul n'est bon, capable de s'entendre,
Le terrain reste à tous et ouvert à tout vent ! "
De quoi en dégouter plus d'un, assurément !
L'on comprend mieux pourquoi de son vivant le père
N'aura pas pu céder à son dernier sa terre
Et que sa femme encore aujourd'hui fait du mal
Alors à cet instant. C'est rien qu'un peu banal !
Voilà comment se rompt une simple famille !
Juste par une voix qui se prétend gentille
Et promet haut et fort à d'aucuns s'occuper
D'un aussi beau terrain pour bien le préserver.
Tout le monde et personne en est propriétaire.
Qui voudra de ce fait en être intérimaire
Gratuit, puisqu'il se doit, mais en soi est certain
De se le voir rafler dans un futur prochain ?
Je ne voudrais me faire seul et unique juge.
Je n'en ai pas le droit, pour la loi ce refuge.
Mais je pense ici-bas : combien il est mesquin
Que de se conforter à n'offrir que chagrin !
Épilogue
Pendant vos flâneries en un coin de campagne,
Que vous soyez tout seul ou qu'on vous accompagne,
Lorsqu'un coin désolant surgit devant vos yeux
Et que vous penserez : " Que j'y serais heureux ! ",
Ou qu'encore au détour d'un chemin de passage,
Se dresse et devant vous dans un état sauvage
Un tout petit lopin caché avec pudeur,
Sachez qu'il peut blesser au plus profond d'un coeur.
Écrit le 3 mai 2008
* Photos: 1) mars 1971 - 2) années 80 - 3) mai 2003 - 4) été 1986
Dans "Les Rues" ont été replanté trois sapins de Noël:
- à l'entrée du jardin, en janvier 1970, celui de notre premier Noël, juste après notre mariage le 13 décembre 1969
- notre sapin pour le Noël de l'année 1984. L'année où nous avons acheté une maison parce que "notre petite famille" s'étant agrandie, notre appartement était devenu trop petit
- le sapin du premier Noël de notre troisième petite-fille dressé chez ses parents en 2000.
"Chez nous", "Les Rues" c'est devenu "Le Clos Paul", en souvenir de "notre Pépé" après qu'il nous ait quittés le 31 juillet 2000, il y a juste dix années, et puisqu'il se prénommait Paul.
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Pour la petite histoire
"Les
Rues", le surnom donné par les membres d'une même famille à une terre agricole devenue potagère. Cela au début des années 1970, depuis que
le "Pépé" l’entretenait avec son plus jeune fils.
Le "Pépé", suite au décès de sa propre mère, avait dû se battre pour acheter à la bougie le champ
tout entier, par devant un notaire, pour en devenir le propriétaire: un neveu de "la Mémère" convoitait l’endroit.
L’aîné des fils du "Pépé" est venu un peu
plus
tard y cultiver des pommes de terre, des carottes. Encore, de la verdure pour
ses
lapins. Mais, bien peu d’années, tout compte fait!
Le "Pépé" fut obligé à cause de sa vieillesse d'abandonner son endroit
chéri au milieu des années
1990.
Le "Pépé" est décédé au milieu de l'année 2000. Il
n’avait fait aucun testament concernant son bien. Il avait souvent dit de son vivant que le terrain reviendrait à son jeune fils. Et
d’ajouter encore que s’il l’avait racheté, ce coin de terre, c’était
surtout avec cette intention. Mais c’en était resté là.
Sur ce terrain qui ne lui appartenait qu’en
indivision donc, le jeune fils a doucement lever le pied et s'est moins acharné pour
en faire un jardin remarquable: si son frère aîné convoitait
le terrain?…
Dès sa retraite, en effet, l'aîné y a trouvé une opportunité: Tout d'abord, il a coupé tous les cerisiers. Adieu les bonnes confitures annuelles! Puis il a sacrifié le premier sapin de Noël planté. Ensuite, il a fait réunir avec lui par devant un notaire
"La Mère" et "La sœur", sans même en souffler un seul
mot par avance "au frangin". Il voulait s’acquérir du bien,
sous le prétexte que la terre était abandonnée… Mais bien entendu, à un moindre coût!
Or, le plus jeune n’a pas accepté cet état de
fait. Avec raison,
et à juste titre! Il a voulu racheter de son côté le
terrain
qu’il soignait quand même depuis bientôt 40 années et malgré tout
encore!
"La Mère" s’y est fortement opposé :
"Le
jardin restera la propriété de tout le monde et de personne en
particulier!".
L'avenir dira ce que deviendra ce si bel endroit de terre... Encore à qui il va appartenir dans le futur. Pour l'instant, on peut dire sans se tromper que le terrain est à l'abandon. Seulement, les pommes sont bel et bien ramassées et consommées mais... juste par l'aîné! Nullement, par "chez nous"!
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Le sommaire des poésies que j'ai pu composer, et que j'ai placées sur ce blog, ICI